jeudi 31 décembre 2009

Du chasseur la nuit

La nuit du chasseur* est un chef-d'œuvre. C'est une affaire entendue. Et si j'ai pu un jour avoir envie de l'utiliser comme matériau pour un livre de poésie, c'est, je crois, parce qu'il possède toutes les qualités du conte, et notamment celle-ci : il est inépuisable.
Le titre m'est venu tout naturellement avec l'idée. Je lisais à ce moment-là le deuxième roman de Pierre Alféri, Le cinéma des familles et, je vous le donne en mille, je me suis aperçu en cours de lecture que le livre jouait avec des éléments du film (c'est un conte, je vous dit). J'aurais donc toujours ce doute : est-ce la lecture qui m'a suggéré le projet ? En toute bonne foi, je répondrai que non. Mais il est fort probable qu'inconsciemment ce soit le cas…
Bref. J'ai commencé à écrire les poèmes du livre et, comme souvent chez moi, un autre projet a pris le dessus : Opéras-minute. Du chasseur la nuit s'est arrêté là.
Mais le titre a continué depuis à me hanter et je le destine périodiquement à un autre projet (que je n'écris pas) : ma "théorie" sur le fameux ALVA** de Jean Queval (membre de l'Oulipo) : "Le train traverse la nuit". "Théorie" que je résumerais ainsi : dans La nuit du chasseur un train traverse la nuit (par deux fois). Si l'on écrit :
Le train traverse La nuit du chasseur la nuit
on obtient un alexandrin, qu'on peut se permettre de découper ainsi : "Le train traverse La nuit / du chasseur a nuit" quand on sait que Jean Queval affectionnait particulièrement cette coupe impaire en 7+5.
On peut ensuite imaginer que pour d'évidentes raisons de sécurité, et dans le souci d'éviter une répétition toujours malvenue dans l'alexandrin, il ait souhaité faire disparaître le titre du film-source tout en en gardant une trace, i.e. son début : la nuit, segment qui a le mérite de condenser en deux mots le titre et le moment. L'hémistiche qui en résulte, de 7 syllabes, indiquant quant à lui sans ambiguïté son origine quevalo-alexandrine.
Vous trouvez ça un peu tiré par les cheveux ? C'est sans doute ce que pense aussi mes camarades de l'Oulipo.
Mais j'y arriverai, je démontrerai le lien qui existe entre vers et film ; et le titre de cet essai sera Du chasseur la nuit.
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* The Night of the Hunter (1955), film américain de Charles Laughton.
** Alexandrin de Longueur VAriable.

mardi 29 décembre 2009

Fil à retordre

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Tout cela est encore assez confus dans ma tête mais je pense avoir un début de réponse au problème de la fausse page. Oh, rien de miraculeux, et un lecteur attentif de ce blog pourra trouver que c'est beaucoup d'agitation pour pas grand chose. Mais voici (cela tient en plusieurs points) :
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1 – Les faux textes n'utilisent que du texte déjà écrit, pris dans ce blog même, dans la semaine correspondant à la double page. (Rien d'extraordinaire, je vous ai dit, j'aurais pu poser ça une bonne fois pour toutes dès le début de ma réflexion.)
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2 – Jusqu'à la semaine 16, un faux texte sera constitué de 2050 signes (espaces comprises) , après quoi il passera à 2048. (Je l'avais déjà dit.)
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3 – Les modalités de composition d'un faux texte sont "évolutives". Dans celui que je viens de réaliser par exemple (voir ci-dessous), des phrases ont été librement, sur un critère thématique, prélevées dans les 99 notes préparatoires à Re- – a) la semaine 2 est pauvre en messages et b) il est intéressant que le premier faux texte de Re- donne quelques clefs au lecteur – mais avec la multiplication des messages dans les semaines suivantes, je vais être amené à concevoir différents procédés pour créer mes faux textes. Sur les conseils d'une personne qui m'est proche (et chère), je pense notamment avoir recours à une approche de type "cagien", i.e. à la manière de John Cage. Et nous verrons bien ce que cela va donner…
-Frédéric Forte

Il semblerait que areuh soit français. – Re-, c’est ainsi que je l’imagine, aura des pages paires et des pages impaires. – Un beau jour un bébé dit areuh et puis quelques temps après il ne le dit plus. – Les pages sont des avions de personnages. – Les pages paires de Re- seront en prose. – En imprimerie une page paire se dit « fausse page ». – En imprimerie une page impaire se dit « belle page ». – Une boîte vide à remplir de boîtes vides. – Tout livre mène une enquête sur les raisons de sa propre existence. – Re- n’est pas ambidextre. – Les pages paires et impaires de Re- seront en nombre égal. – Quelque chose est vide, n’est-ce pas excitant d’imaginer ce qui va le remplir ? – Les pages impaires de Re- seront en vers. – C’est un peu comme si Re- se trouvait dans une boîte percée de trous dans laquelle beaucoup d’air circule. – Sur les pages impaires de Re-, il y aura du texte. – Sur les pages paires de Re-, il y aura du texte. – Vous prenez la décision d’appeler un livre Re- et votre enfant se met à dire « areuh » : votre prochain livre s’appellera-t-il Maman ou bien la prochaine chose que votre fils dira sera-t-elle « Une histoire des moyens de transport à travers les âges » ? – Deux lignes de temps, qui vont dans le même sens mais pas à la même vitesse. – Importance de l’effet rétro. – Areuh est le premier mot, en français, de la liste des mots. – Bien sûr, on a le droit à l’erreur. – Les pages paires de Re- seront pleines (de signes). – Re- est sensé s’écrire en quarante-quatre semaines ; pour chaque semaine une page paire, une impaire (attention, j’ai écrit « pour chaque semaine » et pas « chaque semaine »). – Les pages paires et les pages impaires de Re- ne seront pas synchrones (mais tout de même de plus en plus en approchant de la fin). – Entre les deux marges intérieures, il y a comme un abîme. – Happy-end : tous les deux se retrouvent à la fin. – Proposition : une page impaire est le résultat de toutes les pages paires du livre. – Si page impaire = page paire, ce ne sera pas dû à la quantité de texte.

dimanche 27 décembre 2009

Re_ / Hors-sujet

Voici ce que ma dame a trouvé dans Newsweek entre un article sur la présidence post-impériale d'Obama et un autre sur Warhol et ses boîtes de soupe Campbell's :
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Une pub pour quelque chose qui a à voir avec le développement durable…
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Vive le tiret bas !
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Quant à mon Re- à moi, j'y travaille, j'y travaille, ne vous en faites pas…

samedi 26 décembre 2009

S le nord

Bien avant d'écrire les poèmes-anagrammes d'Une collecte ou de "traduire" ceux d'Oskar Pastior, bien avant d'entamer la composition des fatras de Re-, j'avais eu l'idée d'un recueil de rondels, forme moyenâgeuse, dont le titre aurait été S le nord.
Si les poèmes n'étaient pas eux-mêmes anagrammatiques – je vous en aurais bien montré un mais je n'ai pas les cahiers bleus avec moi – le titre lui était bel et bien une anagramme de "rondels". J'y entendais "est-ce le Nord ?" mais aussi le nom d'un personnage ainsi qu'une forme d'oxymore : S, ne signifie-t-il pas "sud" (peut-être cela annonçait-il N/S, le livre co-écrit avec Ian Monk) ?
On pourrait conclure de ces quelques remarques que l'on écrit toujours le même livre, ce qui n'est pas une idée très originale, ou plutôt que chaque livre contient, à des degrés divers, tous les autres.

jeudi 24 décembre 2009

Fausse route

Après avoir posté mon message avant-hier, j'ai passé un bonne partie de l'après-midi à essayer d'écrire un premier faux texte. Je suis bien arrivé à quelque chose (cf. ci-dessous) mais ce matin très tôt en me réveillant (il est 5h40, ici, dans le Michigan) j'en suis également arrivé à la conclusion que ce n'était pas ça… i.e. je ne peux pas "écrire" les faux textes dans le temps de leur composition. Ce qui signifie que je dois travailler avec du matériau déjà écrit. Enfin, je crois… On n'est jamais sûr de rien.
en attendant que je trouve une solution satisfaisante, je vous livre, donc, le résultat de ma fausse piste.
Deux raisons à cela : 1°) le texte existe et 2°) une fois inséré dans le blog, il a des chances de se retrouver dans le livre, partiellement, plus tard (si la nouvelle piste que j'envisage est la bonne…)
2. que des balbutiements. Quelque chose est plus vrai dans les contradictions. / Ceci est une histoire : « un petit garçon lance des cailloux dans n’importe quel ordre. L’ordre n’est pas important. Il lance, il lance, il lance. Un mouvement rétrospectif : il se souvient qu’il lance donc il lance. Puis il regarde où les cailloux lancés sont tombés. […] et que leurs positions respectives dans le temps et l’espace ne coïncident pas forcément / d’être une fausse page, même un faux texte ne peut pas le savoir. / (cf. la forme dite des 99 notes préparatoires) / Si ce livre Re- se souvient du début de lui-même, / Dans une forme de désordre, il y a de la place pour beaucoup de choses qui n’y ont pas leur place. / Mais tout est faux, / et quand la tête se repose un instant / Vous voyez ce que je veux dire ? / ce qui s’est passé cette semaine-là était ou n’était pas, dans un même temps, ce qu’il en reste / Plus compacté mais sans jamais arrivér à égaler le paysage observable de l’autre côté de l’autoroute : la traverser = danger de mort / abîme de l’entre-deux pages / où essayer de tenir un discours plus structuré, à même de résumer / tout se régulait avec le temps. Le texte se comprenait plus aisément (malgré l’ambiguïté du verbe pronominal). Cette première halte n’annonçait rien, ou quasiment, de la suite du parcours, qui serait vraiment, oui, vraiment, n’ayez aucun doute là-dessus, beaucoup plus accessible au lecteur, de tout repos, soyez-en assurés. / idées, abandonnées aussitôt qu’envisagées / « Quelqu’un a-t-il pensé à emporter sa propre lumière ? » / bla bla bla entendus comme commentaire du travail en cours mais sans que cela ne le remette en cause un seul / — Il n’y aura donc jamais de blanc ? — Non (ou peut-être que si). / Ou peut-être que si l’on tournait le livre dans l’autre sens on verrait / Respirer un bon coup / bonnes blagues mises bout à bout ça finit malgré tout par devenir sérieusement indigeste. / à ce point aura-t-il envie de tourner la page car de toute évidence ce livre n’est pas ce qu’on peut appeler
ps : la photo de ce post, contrairement à mes habitudes, ne vient pas d'être prise dans le moment d'écriture mais il y a quelques jours. Plus de batterie sur mon appareil, va falloir que je trouve une solution.

mardi 22 décembre 2009

About Re-

J'y avais songé mais ne l'avais pas fortement anticipée, cette sorte de grand écart auquel oblige la tenue du blog d'un côté et la composition du livre de l'autre.
C'est que le temps du livre n'est pas le temps du blog (et vice versa).
Le mouvement de Re- est bien rétrospectif.
Poser cela au début du projet, de manière arbitraire, artificielle même, c'était un peu faire le malin, je dois l'avouer. Mais, de fait, me retrouvant désormais en position d'écriture, je me rends compte que c'est vrai : le mouvement de Re- est rétrospectif.
Je viens ainsi de terminer le deuxième fatras, qui renvoie à la semaine 2 donc, celle des 99 notes préparatoires à Re-, et il me faut maintenant écrire le premier faux texte du livre*. Je me sens un peu "sec" avant de me lancer. Et j'ai beau avoir quelques idées formelles, comme je sais que ce premier essai déterminera pour beaucoup l'aspect général de mes fausses pages, j'ai le trac.
Une fois le travail accompli, je présenterai ici le résultat (entièrement ou partiellement ? je ne sais pas encore). Mais pour l'instant, vous avez juste droit à mes errements.
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* Puisque la semaine 1 n'en comportera pas, je le rappelle.

dimanche 20 décembre 2009

Trois sortes de jour

Je ne suis pas, je ne me sens pas, "romancier". Mais malgré cela, de temps à autre, je ressens, comme tout le monde, quelques velléités romanesques...
Ce n'est pas que j'en sois très fier : des romans, il s'en écrit comme s'il en pleuvait ; alors à quoi bon ajouter à la masse ?
Qu'on se comprenne bien : j'admire l'art romanesque, et il continue à se publier dans le genre des textes merveilleux. Seulement, le caractère dominant du roman entraîne une forme de "pollution par le nombre" qui m'agace pas mal...
Dans la tonne de "mauvais romanciers", il y en a sans doute quelques-uns qui feraient de remarquables poètes, dramaturges, essayistes ou autres prosateurs, vous voyez ce que je veux dire ?
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Bref, dans ma longue liste de titres, on trouve tout de même des titres de romans potentiels ; Trois sortes de jour en est un. Il ne me viendrait d'ailleurs pas à l'idée qu'il puisse désigner autre chose qu'un roman (même non écrit).
Si j'avais un peu de temps, je vous en résumerais l'histoire* : un prince de l'Est (poldève ?) s'est enfui du palais familial. Ses parents lancent à sa poursuite 3+2+1 détectives. Les trois premiers partent vers le Nord (une certaine idée du Nord : plaines froides de campagne, champs de betterave, etc) ; on lit le récit de leurs aventures. Les deux suivants sont allés vers le Sud et déroulent un long dialogue comme ils déambulent dans une grande ville "italienne". Le dernier détective planque dans un petit village portuaire de l'Ouest, face à l'Atlantique, et épuise ses journées dans la tenue un journal.
Inutile de vous dire qu'aucun de ces détectives ne retrouvera jamais le Prince...
-Frédéric Forte
* Je sais, c'est contraire à mes habitudes mais je suis en vacances, ne l'oubliez pas.

samedi 19 décembre 2009

Du blanc

J'ai posté hier le premier fatras de Re-. Il ne faut pas vous y habituer, ce ne sera pas systématique. Simplement, il fallait bien donner un exemple, n'est-ce pas ?*
Je me dois ici de préciser que si chaque double page de Re- se réfère à une semaine particulière de ma résidence, alors ce poème correspond à la première.
Or, des messages écrits sur ce blog durant les premiers jours, il n'en existe pas : je n'ai commencé à poster mes textes qu'à partir du 8 septembre, semaine 2 donc.
Aussi, en fausse page, face au premier fatras, il n'y aura rien. Ou plutôt, il y aura du blanc.
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Ce blanc-là, observez-le attentivement, ce sera le seul. -
Frédéric Forte
* Cette version du poème n'est pas forcément définitive.

vendredi 18 décembre 2009

« Semaine 1…

SEMAINE 1 de quoi
l'ensemble re- mais vide
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SEMAINE 1 de quoi
et qui serait aride
micrograde, sans poids
bouteille d'air liquide
(un matelas en soi
blanc sous blanc, qui oxyde)
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blanc sur blanc qui oxyde
en attente de loi
un peu fenêtroïde
un peu rien devant moi
l'ensemble re- mais vide
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mercredi 16 décembre 2009

2050 signes

Je ne pensais plus avoir le temps d'écrire quoi que ce soit sur le blog avant mon départ pour le Michigan mais, tout à l'heure vers 5h30, une idée, ainsi que mon fils, m'ont réveillé : "et si mes faux textes calquaient leurs dimensions sur celles du Lorem ipsum, dans la version que m'a envoyée Benoît Richter* : 2050 signes (espaces comprises**) ?
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Je pourrais tenter d'user du modèle plus en profondeur (nombre de mots, structure des phrases, etc) mais il me semble que ce serait – pour l'instant ? – trop "fixer" le texte : je n'ai pas tant besoin, de ce côté de la double page, d'une contrainte forte que d'un cadre qui vienne délimiter l'informe.
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Donner à l'ensemble des faux textes une longueur commune aura le mérite de créer un rapport constant (à quelques variations près) entre fausses et belles pages – ces dernières tout occupées de leurs fatras.
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Notes :
Le rythme se crée pour l'œil par la répétition des masses de texte.
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Le rythme naît également de la tourne des pages.***
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Le livre se déploie ainsi, rythmiquement, dans l'espace et le temps avant même qu'on le lise réellement.
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ps : ce texte ne comprend pas 2050 signes.
-Frédéric Forte
* Il en existe plusieurs ; il faut bien s'arrêter à l'une d'elles.
** "Espace" en typographie est un mot féminin m'a appris un jour Olivier Salon, quoi qu'en dise votre traitement de texte.
*** Il suffit pour s'en convaincre de lire le sublime**** , vers de Roger Lewinter (Ivrea, 2001).
**** Je pèse le mot.

mardi 15 décembre 2009

Mémo / Hors-sujet

Après-demain, le Michigan :
– penser à emporter des habits chauds
– et à relire tous les messages du blog
– écrire
– prendre en photo le verre de la fenêtre dans l'entrée

dimanche 13 décembre 2009

Fullof, cancre

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On ne sait pas toujours comment vient un titre. Ou plutôt : on ne sait pas toujours pourquoi tel bout de langue se cristallise en quelque chose qui apparaît soudain, de manière irréfutable, comme un titre.
Je me souviens avoir voulu entamé une série de poèmes dont chaque titre serait "Full of quelque chose". Plein de… Comme une promesse sur le contenu.
Et puis, en commençant à écrire le premier poème (attention, j'invente ; en fait, je ne me souviens plus des circonstances exactes), je me suis aperçu qu'il y avait là comme l'ébauche d'un personnage. Mais pas un personnage de roman, non, un personnage de théâtre. J'avais son nom : Fullof, qui sonne russe, et son état : cancre. Fullof, cancre. Le titre était trouvé et donnait le genre : "pièce de théâtre d'éducation".
Contrairement à beaucoup de projets avortés avant même d'être dans l'œuf, j'ai écrit plusieurs scènes de la pièce. Ma seule tentative de théâtre à ce jour, et qui se trouve tout au sommet de la liste des travaux en "stand by".
Peut-être je la terminerai dans un avenir pas trop lointain et alors je la proposerai à la compagnie L'Amour au travail que j'ai vu aujourd'hui interpréter superbement une pièce de Jacques Jouet : Annette entre deux pays.*
- Frédéric Forte
* Cliquez donc, vous aurez des infos !

samedi 12 décembre 2009

Re-re-re-re-re…

Il serait peut-être temps, maintenant que je vais entamer pour de bon l'écriture de Re-*, de me redire à moi-même ce que je suis en train de faire là.
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Il y a comme point de départ l'idée de faire un livre qui parle de lui-même, qui "raconte" sa propre conception, dit comment il se structure. Un livre réflexif, quoi.
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Il y a aussi l'idée que que ce livre ait (soit ?) la mémoire de tous les livres, réalisés ou demeurés dans le potentiel, que j'ai un jour envisagés d'écrire.
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Ce blog est à cet égard un réservoir, un grenier pour l'hiver* dans lequel j'engrange le plus de matière de langue possible, ce qui sera le matériau indispensable à l'écriture de Re-.
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Pourquoi en faire un livre me dira-t-on et ne pas continuer à dévider mon texte sur ce blog-même ?
J'ai entendu il y a quelques jours quelqu'un faire la différence entre texte "vivant", celui qui évoluerait dans le monde numérique et texte "mort", figé dans le livre… Mis à part le fait que la cohabitation des deux modes d'existence, voire même la disparition du second au profit du premier, ne me pose pas de problème particulier, je m'aperçois que j'aime bien l'idée qu'un texte "meure". Un texte meurt toujours pour quelqu'un à un moment donné. Pour son auteur tout d'abord et ensuite pour ses plus ou moins nombreux lecteurs. C'est-à-dire qu'un texte meurt en permanence, passe son temps à mourir et re-mourir sous les yeux de ces lecteurs successifs. Ce qui est intéressant, c'est que, dans l'absolu, cette mort n'en finit pas. Bien sûr, il y a la poussière et l'oubli. Mais peut-être qu'un texte "vivant", c'est un texte qui n'est jamais lu ?
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Bref, j'espère bien qu'une fois achevé Re- sera un texte mort.*
-Frédéric Forte
* C'est une question de jours.

jeudi 10 décembre 2009

Fatras (la question de la forme fixe, 7)

Depuis mes tergiversations d'il y a quelques jours, l'idée de fatras a fait son chemin. Elle est en train de s'imposer à moi, et à Re- par la même occasion. Ce n'est pas que j'ai réellement étudié la question – je vous l'ai dit : je ne réfléchis au livre qu'en écrivant mes messages – mais cela n'empêche pas la cogitation en roue libre. Et sur cette pente-là, le fatras, je ne sais pas comment, à fait rouler quelque chose de plus que les autres formes.
Je crois que cela tient en premier lieu au nom de la forme qui me paraît, je l'ai déjà écrit, aller de soi ici, dans cet amas de vieux papiers-souvenirs que sont "mes" titres.
Et puis, l'usage du fatras au moyen-âge, pour ce que j'en ai lu – et ce ne sont peut-être pas des informations de première bourre – repose sur une dualité possible / impossible. C'est-à-dire que la forme pouvait aussi bien être employée de manière sensée que s'épanouir dans le non-sens le plus total. Le potentiel de manœuvre n'est pas pour me déplaire.
Comme je l'ai déjà souligné, la forme joue de la reprise de deux vers entiers : le distique initial AB sert de moteur au reste du poème : A est réutilisé au démarrage du sizain et B conclut le poème, dernier vers du quintil.
On a donc 13 vers (2+6+5), traditionnellement composés sur deux rimes. La séparation sizain / quintil que j'opère (et que j'ai opérée en tout cas dans le poème d'Opéras-minute cité ) n'est peut-être pas aussi évidente que ça. Mais puisque j'ai naïvement* marqué la séparation par une ligne de blanc dans ce poème, il y a de fortes chances que je continue. Et puis, cela ne veut pas dire que chaque fatras composé respectera tous les "paramètres" de la forme. Le principe de distorsions, transgressions appliquées à une forme est quelque chose à quoi je tiens.
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Bien, bien, bien…
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Mais il est tard, je commence à voir trouble dans mes histoires formelles et je suis trop fatigué pour conclure proprement ce message. Donc, bonne nuit.**
-Frédéric Forte
* J'emploie beaucoup le mot "naïvement" ces derniers temps… Ne serait-ce pas une manière de me dédouaner de mon manque d'approfondissement ?
** Je me le dis surtout à moi-même.

mercredi 9 décembre 2009

Qqqqqqq…

J'aime beaucoup Mauricio Kagel, vraiment beaucoup. J'aime le compositeur et j'aime ce qui transparaît de l'homme dans sa musique, drôle, inventive, savante et qui fait feu de tout bois… Un modèle. Jusqu'à sa mort, l'année dernière, j'avais le rêve naïf de travailler avec lui, sur des chansons, un opéra, que sais-je encore… Grâce à mes amis du label æon, j'avais même eu son adresse postale entre les mains mais n'avais jamais osé lui proposer quoi que ce soit. *
J'écrirai sans doute un jour, à défaut d'avoir pu en créer avec lui, des Chansons pour Mauricio Kagel. Mais, il y a quelques années déjà, une de ses œuvres que je trouve particulièrement oulipienne, Rrrrrrr…, m'avait inspiré une transposition dans le domaine de la poésie : Qqqqqqq…
M.K. explique que Rrrrrrr… est constitué de 41 pièces indépendantes, toutes ayant un titre commençant par la lettre R. S'étant en effet emparé d'un dictionnaire de musique au format poche, il a composé une pièce pour chaque article à cette lettre en tenant compte bien évidemment de la définition proposée. Ce qui est particulièrement intéressant, au delà de l'idée formelle qui est déjà magnifique, c'est que l'article peut se référer à une forme, un genre musical répertorié (râga, ragtime-waltz…) mais aussi à une simple figure rythmique, mélodique, harmonique (repercussa, rosalie…) voire un registre d'orgue (Rauschpfeife, ripieno) qui devient donc, du coup, le moteur de chaque pièce.**
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Maintenant, pourquoi la lettre Q ? Queneau, ça vous dit kekchose ? Et bien voilà. Et puis entre quartier, quatrain et autre quintil, j'aurais pu glisser quelques quenines, qui est une invention formelle majeure de RQ, sans oublier un(e) quenoum d'Ian Monk.
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Mais je m'enflamme et me rends compte une fois de plus que je n'en ai rien fait…
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Ah, Procrastination quand tu nous tiens !
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*Oui, là après le point, vous sentez bien pointer le regret.
** Je renvoie le lecteur à deux enregistrements (il y en a d'autres) : Mauricio Kagel, Solowerke für Akkordeon und Klavier (Winter and Winter, 1998) et Mauricio Kagel par le pianiste Alexandre Tharaud (æon, 2003).

mardi 8 décembre 2009

Sébastien Smirou & Paul Otchakovsky-Laurens

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Mercredi 16 décembre à 20h au Comptoir des Mots, j'aurai le plaisir de recevoir Paul Otchakovsky-Laurens, fondateur des éditions P.O.L, et Sébastien Smirou, poète, auteur chez cet éditeur de Mon Laurent et de Beau voir.
Nous causerons. Et il y aura beaucoup à dire tant a été – et continue à être – déterminante l'activité éditoriale de P.O.L pour la poésie en langue française de ces trente dernières années.
L'implication de Sébastien, au-delà de son travail d'écriture proprement dit, dans différents domaines de "l'action poétique" – micro-édition, tenue de blog et aujourd'hui création avec Francis Cohen de la revue Ligne 13 – nous donnera également l'occasion de nous demander ce que peut (être) un poète aujourd'hui.*
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* C'est une vaste question mais, ne vous inquiétez pas, nous n'y répondrons pas ; la question continuant toujours à devancer la réponse.

lundi 7 décembre 2009

Commande

Petit retour en arrière. Vous vous souvenez peut-être que j'avais oublié / réparé quatre titres de livre que j'avais donc intégrés ultérieurement à ma longue liste de titres. C'est bien beau de le dire mais encore faut-il le mettre en application. Et je viens de m'apercevoir que le titre Commande aurait déjà dû être traité depuis plusieurs jours – entre Homme-hélicoptère et Megérkeztünk, un mot hongrois.
L'oubli aurait été d'autant plus que regretable que Commande est en quelque sorte un ancêtre de Re-.
Je ne m'étendrai pas sur le titre en lui-même, qui joue de ses ambiguïtés sémantique et grammaticale, mais sur la teneur du projet, oui.
J'avais dans la tête d'écrire un livre de poésie dont je n'écrirais pas le moindre poème. Mon travail aurait consisté* à écrire un cahier des charges le plus complet possible, un mode d'emploi décrivant en détail la manière de composer certain poème à partir d'une forme fixe de mon invention. Toute la difficulté telle que je la concevais était de créer une forme réellement identifiable, précisément définie, tout en permettant à un poète, pas forcément formaliste d'ailleurs, de se l'approprier intimement, de la travailler "de l'intérieur".** J'aurais proposé le cahier des charges à des poètes de tous horizons, pratiquant aussi bien les vers métré ou libre que la prose.
J'aurais eu ensuite la dernière main sur la construction du livre : le choix des poèmes, leur ordonnancement… Une vraie "anthologie spontanée" dont le cahier des charges aurait en quelque sorte constitué la préface.
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Et il est vrai qu'idéalement j'envisage(ais) Re- comme une projet collaboratif poète <=> public, les commentaires à mes messages, les discussions de Comptoir, venant éventuellement orienter, infléchir, guider mes efforts ; l'écriture des textes proprement dite, si de ma main, reposant toutefois sur ces échanges.
Mais, de fait, les commentaires sont rares – même si quelques-uns ont déjà participé grandement à ma réflexion***. Je ne considère toutefois pas cela comme un "échec" car j'ai pu constater, grâce à quelques rencontres en chair et en os et aux outils statistiques mis à la disposition des bloggers, que ce journal de bord à un lectorat, modeste certes, mais fidèle et régulier.
Cette certitude**** d'être lu au jour le jour influe forcément sur mon travail ; une sorte de monologue dialogué où les interlocuteurs, pour être le plus souvent muets n'en demeurent pas moins pour moi des acteurs vivants, moteurs dans le temps de l'écriture, ce qui n'est pas si fréquent.
-Frédéric Forte
* On remarquera que j'emploie le futur antérieur… On ne peut pas tout faire.
** Ce que fait tout poète avec une forme classique.
*** Récemment, un sur Elena Addomine concernant les 72 variations sur une recette de tiramisu, auquel je compte donner suite.
****Nuançons : cette impression. Après tout, on peut très bien aller sur une page sans la lire vraiment.

dimanche 6 décembre 2009

Ô magnétophone

J'avais acheté un magnétophone. À cassette (la cassette est un objet frappé d'obsolescence, à peu près de la forme d'un i-phone, mais plus petit cependant, et percé vers son centre de deux trous dentés et mobiles sur leurs axes qui permettent, pour peu qu'on les place dans l'appareil adéquat – i.e. un magnétophone –, l'entraînement d'une bande magnétique de quelques millimètres de large seulement mais de plusieurs dizaines de mètres de long, le rouleau initialement formé autour du trou de gauche se reconstituant progressivement autour de celui de droite après passage sur la tête de lecture de l'appareil, à même de "lire" les informations sonores déposées sur la bande ou d'en fixer de nouvelles si l'on a pris soin d'appuyer, conjointement à la touche "PLAY", sur la touche "REC" de l'appareil – on parle de "cassettesré-enregistrables"). Bien.
J'ai cherché en vain dans mes affaires, pour la photographier, une de ces fameuses cassettes. Il y en a sans doute une ou deux dans la cave, stockées avec d'autres objets désuets, mais je ne vais pas descendre à la cave. Quant au magnétophone, je l'ai perdu… J'ai cependant trouvé une image de cassette grâce au très joli recueil de dessins à main levée d'objets qui tiennent dans la main, justement intitulé Dans la main, de Stéphane Mercier (hors commerce).
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C'est tout de même plus clair que ma description.
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ps : Ô magnétophone, sans doute une variante de Cinq minutes un peu partout, me semble un titre bien moins intéressant. Et très loin de l'indépassable Les après-midi d'un magnétofaune de Luc Etienne (de l'Oulipo).

vendredi 4 décembre 2009

FFFF (Fédération Française de la Forme Fixe)

Pris par tout ce qui peut nous prendre, j'ai oublié d'évoquer ici la rencontre du 25 novembre dernier avec Françoise Valéry, Franck Pruja et Fred Léal.
Ce n'est pas que je me sente systématiquement obligé de faire des comptes rendus de ces instants : une rencontre on y est ou on n'y est pas, je ne vais pas me mettre à en publier les actes, mais tout de même, c'était une beau moment où Franck et Françoise, fondateurs des éditions de l'Attente, ont admirablement parlé de leurs choix, de leur modus operandi – nous étions vraiment dans les "cuisines de l'immédiat"* – et où nous avons pu apprécier la position si particulière de Fred Léal dans le champ de la Littérature Française.**
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Et puis il y a quelques jours Franck m'a envoyé un e-mail dans lequel il écrivait qu'avec les initiales de nos prénoms, nous pourrions tous les quatre fonder une Fédération Française de la Forme Fixe…***
Belle idée mais qui doit rester secrète, je compte sur vous, parce qu'il est hors de question que l'on commence à enregistrer des adhésions, qu'on organise des compétitions de ha¨kus**** ou un festival du SM (sonnet marotique) au stade de F…
-
* Qui est aussi le nom de leur association.
** Message personnel : Fred, si tu veux rentrer un jour à l'Académie Française, il va falloir que tu révises sérieusement tes positions.
*** Ce qui me fait penser à un poème de mon livre Une collecte (cf. photo) et à ce qu'en a dit Sébastien Smirou sur son blog. Ceci est de "l'auto-promotion" comme disent les wikipédistes.
**** Oups! I did it again (voir ici).

jeudi 3 décembre 2009

72 variations sur une recette de tiramisu

Décomposons :
1 – 72
2 – variations
3 – recette de tiramisu
Bien.
-
1. Pourquoi 72 ? Je n'arrive pas à trouver à ce choix une raison objective. Y en a-t-il seulement une ? La motivation était-elle purement sonore ? Mais en quoi "72" le serait-il plus que "53" ? Il faut parfois admettre qu'on ne sait pas (ou plus).
-
2. Le concept de "variations" est au contrainte suffisamment répandu – dans l'histoire de la musique notamment (les Variations Goldberg de Bach), mais aussi en littérature (les Exercices de styles de Queneau, les Variations Proust de Perec) – pour que sa fonction dans le titre semble évidente. Il (le titre) s'inscrit dans une tradition formaliste, oulipienne ; il dit "ce que vous allez lire là, c'est une série de textes qui proviennent d'une même source". Et quelle source précisément ?…
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3. … Une "recette de tiramisu". Ah. Pourquoi ça ? Là je n'ai pas de doute. La motivation en est purement poétique : emprunter à un domaine "classiquement" étranger à la poésie* – dans ce cas le domaine culinaire – une image, disons évocatrice, et l'importer dans le champ poétique. De plus, qui dit "recette" dit "matériau textuel", "ingrédients", "mesures", "mode d'emploi", "réalisation", "obligation de résultat", entre autres…** Bref, une matière langagière objective qu'on peut manipuler comme bon nous semble.
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Ça, c'est la théorie. En pratique, je n'ai jamais écrit une seule de ces variations. Peut-être parce que le nombre de variations à produire m'a d'emblée découragé***. Peut-être parce que ce n'était pas le bon moment****. Peut-être parce que je n'ai pas trouvé la bonne recette de tiramisu !*****
-Frédéric Forte
* Il n'y a pas de "domaine étranger à la poésie". Disant cela, je fais référence à l'idée reçu sur ce qui est "poétique" et ce qui ne l'est pas.
** Il dit beaucoup de choses apparemment, le mot "recette".
*** Mais pourquoi ne pas changer de nombre ? me direz vous. Parce que je fais confiance à mes titres. Si j'ai écrit 72, c'était que ce devait être 72. C'est irrationnel mais c'est comme ça.
**** Mais Raymond Queneau a écrit "Le poète n'est jamais inspiré. Il l'est toujours." Alors "shame on me".
****** À bon entendeur… Vous avez accès à la fonction "commentaires", vous savez ce qu'il vous reste à faire. Les propositions éventuelles seront testées, un jour ou l'autre…

mercredi 2 décembre 2009

Meubler

La discussion de Comptoir est un genre que j'ai un peu trop négligé ces derniers temps. Faute de temps, justement. Mais ce soir, qui n'était pas un mardi, j'ai profité de la soirée autour des éditions Le Bleu du ciel – avec 3 nouveaux livres de Xavier Person, Pierre Mabille et F. van Dixhoorn (traduit du néerlandais par Kim Andringa) – pour sortir de chez moi.
Réquisitionné j'ai été par Nathalie L. pour "faire la table" de l'éditeur et en déplacer d'autres, des tables*.
Parenthèse "philosophique" :
Le concept de "table" en librairie est une des choses les plus importantes qui soit. Avec ceux de "rayon" et de"vitrine", je n'en connais pas d'aussi fondamentaux. (Comment ? J'ai cru entendre le mot "livre" ? Tût tût tût… Pas de mauvais esprit, s'il vous plaît.) La table donc, en librairie, est une sorte d'animal domestique** qu'on nourrit, qu'on toilette, qu'on promène… On peut même lui donner un petit nom et jouer avec, pour peu qu'on ait l'esprit joueur.
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Après quoi nous nous sommes assis sur des bancs*** tous neufs pour écouter les auteurs. C'est tout de même pas mal, la poésie. En vers, en prose, en liste, en néerlandais…
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Est-ce que j'ai discuté ? Oui, beaucoup. Avant et après. Mais maintenant, je vais me coucher.
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* Rien de trop difficile, je vous rassure.
** Il n'y a qu'à compter ses pattes.
*** C'est fou ce que je peux meubler ce soir.

mardi 1 décembre 2009

Tergiversations (la question de la forme, 6)

Il faut comprendre ici que lorsque je rumine sur la question de la forme fixe au temps t, le résultat de cette rumination n'est pas forcément valable au temps t'.
Par exemple, ce que j'ai évoqué dans l'article 1, 2, 3… et 4 ?, à savoir le recours à quatre formes différentes pour l'écriture de Re-, je ne suis plus sûr à l'heure présente que ce soit la bonne solution. Je n'en suis pas sûr car je m'aperçois après réflexion que je suis attaché à une double unité de construction pour un livre : a) une unité conceptuelle et b) une unité visuelle.
Concernant le a) je (re)dirais qu'une forme fixe unique permet de "jouer" la variation tout en concentrant le propos.
Pour ce qui est du b), j'aime l'idée que le lecteur acquiert une familiarité avec la forme sans même la lire, par la seule reconnaissance de sa "silhouette" sur la page (dans Re-, en l'occurrence, la belle page), dès le premier regard qu'il posera sur elle.
-
Pour toutes ces raisons, je crois* que je vais revenir à mon idée première qui était de trouver LA forme. Et pour faire bonne mesure, maintenant que je dois choisir entre les quatre formes pré-citées – ballade, triolet, rondel, villanelle – je vais en ajouter une (!), le fatras**, qui correspond aux critères donnés ici et dont voici un exemple, toujours tiré d'Opéras-minute :
-
De forme simple, richement
était fixée
-
De forme simple, richement
un paquet contenant
pouvoir surnaturel des é-
de chefs de clans
de Berlin acquérait une œuvre apparemment
rive sud du moyen Ogooué
-
rive nord du moyen Ogooué
Cet abandon, ironiquement,
forme ébauchée
légèrement
était fixée
-
Parce qu'après tout, "fatras", ça correspond assez bien au joyeux bordel que sont ces ruminations.
-
* Mais, encore une fois, ceci n'est qu'une rumination…
** Certain poète grand connaisseur de formes anciennes pourra me reprocher l'usage approximatif, ou par trop limitatif, que je fais de ces formes moyenâgeuses. Mais j'ai voulu ici réemployer les formes telles que je les avais naïvement "fixées" dans Opéras-minute.

dimanche 29 novembre 2009

Sommes d'Emmanuel Adely

Hier soir vers 23h, je reprends la lecture de Sommes*, fiction d'Emmanuel Adely, commencée il y a quelques jours. Je n'ai auparavant lu que quelques pages, pénétrant à peine la somme de portraits amassés là et trouvant cela, déjà, impeccable. Et puis, hier soir donc, avançant un peu plus dans le texte, je comprends soudain – comment est-ce qu'on comprend ? par quelques subtils indices disposés çà et là – ce qui est en train de se passer. Il est 23h30 et j'ai sommeil mais je ne veux (peux) plus lâcher. Je suis avec ces quelques hommes et femmes, là, ne peux (veux) plus les laisser. Je lis jusqu'au bout.
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Qui a déjà lu Sommes ne s'étonnera pas que j'ai eu du mal à m'endormir après ça. À ceux qui ne l'ont pas lu, je dis "précipitez-vous dessus". Et je crois même savoir qu'Emmanuel Adely en fera une lecture complète samedi 5 décembre à 17h dans le cadre de Relectures à l'espace Khiasma. Re-lectures ? Je ne pouvais pas laisser passer ça.
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ps : la photo de ce message est un détail de la couverture, lui-même détail de Détail (1-35327) de Roman Opalka, avec qui le texte entretient une certaine relation.
-Frédéric Forte
* Publié aux éditions Argol dans la collection Interférences.

samedi 28 novembre 2009

Megérkeztünk, un mot hongrois

Un séjour oulipien à Metz m'a tenu éloigné du blog mais, avant de cogiter demain sur mes histoires de formes fixes, me re-voici aujourd'hui avec Megérkeztünk – le premier mot de l'opéra de Béla Bartók, A kékszakállú herceg vára (Le château de Barbe-Bleue) – qui veut dire quelque chose comme "nous y sommes", un mot hongrois.
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Nous y sommes donc, mais où ?
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Je ne suis pas sûr qu'un titre doive être "facile d'accès", ni qu'il doive renseigner le lecteur potentiel sur ce qui se cache sous la couverture. Ou plutôt, j'envisage idéalement deux manières d'intituler un livre :
— l'une où le titre dit tout : le livre contient des sonnets, des poèmes de métro ou est le résultat d'une collecte, raconte une histoire d'amour ? Alors appelons-le Sonnets ou Poèmes de métro ou Une collecte ou Un amour.
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— l'une où le titre ne décrit pas du tout, ou pas exactement, le texte qu'il désigne : Zazie dans le métro, Autobiographie chapitre 10, Assez parlé d'amour.*
J'ai jusqu'à présent plutôt pratiqué la première manière mais je suis fasciné par la seconde. Megérkeztünk, un mot hongrois, si jamais je l'écrivais, entrerait dans cette catégorie. Le lecteur se demanderait jusqu'à la fin ce que viendrait faire là ce titre et à la fin je lui dirais :
-
"Voilà. Nous y sommes."
Frédéric Forte
* C'est moi qui souligne.

mercredi 25 novembre 2009

Homme-hélicoptère

Je l'ai écrit dans un cahier bleu, donc je me dois d'en faire mention ici. Même si je n'ai aucune idée de ce que j'avais en tête avec un titre pareil. Homme-hélicoptère… Et pourquoi pas Fourmi-bulldozer ou Poisson-chasse-neige ? Rien dans les cahiers ne donne le moindre début de piste.
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Ce qui m'amène à formuler l'hypothèse suivante : un certain nombre de titres n'ont été notés que pour se retrouver, quelques dix années plus tard, sur ce blog et servir de matériau potentiel pour le livre Re-.
Re- ne serait donc pas une rétrospective de mon (court) passé poétique mais la réalisation d'un projet inconscient, impensé mais néanmoins, présent dès le début.*
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* C'est un peu tiré par les cheveux, je vous le concède. Mais si ça me fait plaisir…

lundi 23 novembre 2009

Usine à gaz

-
Après relecture des messages libellés fausses pages, je sens bien que mon raisonnement court le risque d'apparaître comme une véritable usine à gaz (si ce n'est déjà fait). Tout simplement parce que je continue à vouloir conceptualiser un objet – la "fausse page" – sans l'expérimenter.
Si je parviens en effet sans mal à visualiser les formes fixes que je souhaite pratiquer dans Re-, c'est parce que de nombreux exemples préexistent à ma réflexion. Bien sûr, la composition de ces poèmes apportera sans doute aux modèles adaptations, déformations, distorsions, mais j'aurai déjà en amont une base solide.
Pour les fausses pages par contre, a) je ne possède pas de modèle formel et, qui plus est, b) déclare vouloir jouer avec la notion d'informe. Pas étonnant qu'au bout de quelques temps, sans matériau à éprouver, la machine tourne à vide.
Le constat m'amène donc à interrompre la rubrique fausses pages jusqu'au moment où je commencerai réellement à les écrire, ces fausses pages. À partir de là, la réflexion pourra reprendre sur la base classique de l'expérimentation.
Ce qui m'amène à dire que je ne sais pas encore si les textes et les poèmes qui constitueront Re- au final apparaîtront en clair ici, sur ce blog. Faut-il que le blog ne soit que la périphérie du livre ou bien doit-il en contenir quelques échantillons, voire tout englober ? Réponse autour de janvier 2010.
En attendant, je vais continuer à lister mes titres potentiels et affiner la structure des belles pages. Et puis, je ne suis pas à l'abri d'une nouvelle contradiction…
-
Frédéric Forte

dimanche 22 novembre 2009

Banzuke / Glossaire des mémoires d'un lutteur de sumô

J'ai déjà parlé dans S, U, M, O de mon amour pour cet art. Je ne serais pas complet sur la question si j'omettais de dire que cet amour repose aussi sur un plaisir de la langue.
Même si l'on ne parle pas le Japonais, ce qui est mon cas, il est difficile de résister au véritable feu d'artifices onomastique déployé dans le banzuke – c'est-à-dire le tableau de classement des lutteurs de sumô – qui est à la fois un objet formel, utile au déroulement de la compétition, mais aussi un objet de langue, où les noms des lutteurs sont calligraphiés en tailles différentes selon l'importance de chacun*. Un objet graphique donc, qui est bien plus qu'un outil de classement.
Aussi, lorsque j'ai commencé à écrire les quarante portraits qui composent Banzuke, le choix du titre était déjà tout désigné. Et, de même, les titres des différentes parties du livre renvoient aux divers "rangs" des lutteurs (yokozuna, ôseki, sekiwake, komosubi, maegashira) comme les titres des poèmes sont les noms de quelques-uns d'entre eux.**
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Cela dit, si je me penche sur Glossaire des mémoires d'un lutteur de sumô – qui est le texte faisant suite dans le livre à la partie Banzuke proprement dite –, je constate avec amusement qu'il repose sur le principe suivant : transformer tous les mots d'un glossaire*** en noms propres. Mon ignorance du Japonais associée à ma fascination pour les noms de lutteurs m'ont amener à en produire de manière automatique à partir de termes pris dans le "champ" du sumô.
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Ce qui peut se traduire par : "quand il lit du japonais, il voit des sumô partout."
-Frédéric Forte
* J'allais écrire "le poids", mais cela aurait pu prêter à confusion.
** Savoir qu'un lutteur ne combat pas sous son véritable patronyme mais sous un pseudonyme permet de mesurer l'importance de la "nomination" dans le sumô.
*** En l'occurence, le glossaire du livre Mémoires d'un lutteur de sumô donc.

jeudi 19 novembre 2009

Deux photos-minute / hors-sujet

Aujourd'hui, à peine le temps d'un petit hors-sujet avant d'être privé d'ordinateur pour deux ou trois jours.
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Alors deux photos.
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Intérieur :
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Extérieur :
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Ne me demandez pas quel sens ça peut avoir, c'est juste du remplissage. Mais alors à quoi bon poster un message ? Dictature du blog, insidieuse addiction.*
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Je décrocherai, je vous (me) le promets.
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* Tiens, c'est un alexandrin…

mercredi 18 novembre 2009

Scorpions et autres machines

Les autres apprestoient arcs, fondes, arbalestes, glands, catapultes, phalarices, micraines, potz, cercles et lances à feu, balistes, scorpions et autres machines bellicques repu-gnatoires et destructives des Helepolides. (Rabelais, dans le prologue du Tiers livre)
J'ai toujours beaucoup aimé le mot "machine" – j'aime bien aussi le mot "scorpion", plus pour ses qualités typographiques et sonores que pour la bestiole qu'il désigne en tout cas, et sans doute que la machine de guerre citée par Rabelais et "qui lance de gros projectiles" nous apprend le Robert Historique.
Une forme fixe, qu'est-ce que c'est sinon une petite machine à fabriquer (en série) du poème ?*
Alors forcément, lorsque, toujours à l'affût de titres potentiels, je suis tombé sur ce passage du Tiers livre, je n'ai pas résisté.
Mais vous ne serez pas étonné si je vous apprends que je n'en ai rien fait. Je n'ai pas su ce que pouvait être ces "scorpions" poétiques.
Je me dis qu'après tout ce n'est peut-être pas plus mal, car cet été, dans les Cévennes, j'en ai un petit peu trop croisé dans la salle de bain…
-
-Frédéric forte
* J'ai, dans Opéras-minute, utilisé le terme pour qualifier des formes poétiques à "actionner" par le lecteur lui-même.

mardi 17 novembre 2009

Fred Léal, Franck Pruja & Françoise Valéry

Mercredi 25 novembre à 20h au Comptoir des mots, nous aurons le plaisir de recevoir Françoise Valéry & Franck Pruja, maîtres-queux des Cuisines de l'Immédiat (alias Les éditions de l'Attente) ainsi que Fred Léal*, auteur de livres ineffables et (presque) carrés aux mêmes éditions.
Il y aura de l'émotion, du suspens et surtout le trio interprétera a cappella un chant landais. À ne manquer sous aucun prétexte.
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* Cliquez sur son nom et, vous verrez, vous serez aussitôt renvoyé à sa présentation sur le site des édtions P.O.L (car Fred est aussi un auteur P.O.L).

dimanche 15 novembre 2009

Ha¨ku

Des Haïkus pour mémoire dont il est question dans la longue liste de titres, c'est amusant, je n'ai gardé aucune trace*. Ce haïku me donne cependant un prétexte pour expliquer comment peut naître un projet de livre.
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Je m'explique. Une fois sur trois lorsque je tape le mot "haïku" sur mon clavier, j'oublie le i et cela donne "ha¨ku". Un petite bonheur typographique.
Ha¨ku où peut se lire, malgré le blanc, le nom de la forme.
Ha¨ku qu'on peut lire également "à-coups" ou "à coups", au choix.**
À coups de quoi ? Justement, on ne sait pas.
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C'est la multiplicité des possibles qui fait de Ha¨ku, à mes yeux, un excellent titre potentiel. Le i manquant – et la présence du tréma qui maintient malgré tout l'intégrité du mot – engendre une foule de questions formelles. Quelle sorte de haïkus est-on amené à écrire dans un livre qui porte ce titre-là ? Comment reformuler cette absence dans la forme fixe ? Porterait-elle sur ses éléments objectifs (métriques, prosodiques) ou sur la subjectivité du poème ? Sur les deux sans doute, mais selon quels critères ?
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On a ici affaire à la même potentialité, générée par coquille typographique – ou "lapsus calamachine" – que celle rencontrée par Jacques Jouet lorsque il est un jour tombé sur la phrase affirmant que "Les trois contes de Flaubert sont le sonnet de son œuvre". Il a répondu au défi potentiel par un texte programmatique que l'on peut maintenant lire en postface de ses Trois pontes (P.O.L, 2008), qui sont la mise en application de la solution théorique.***
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Je n'ai pas l'intention pour l'instant de donner à Ha¨ku un contenu.**** Je considère cependant comme un luxe qu'après presque dix années d'existence le livre potentiel titré Haïkus pour mémoire vienne de se trouver un nouveau nom illustrant pour le mieux l'usure, le manque, la perte irrémédiable subis par la mémoire : Ha¨ku. On peut aussi voir là le comble de la fumisterie.
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addenda : je tape "haku" sur google et découvre que cela signifie blanc en japonais.
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* En y réfléchissant, je crois tout de même me souvenir de quelque chose, mais ça reste vague.
** Je laisse de côté d'autres prononciations de ku.
*** Le travail de JJ est toutefois bien plus complexe car il doit tenir compte du patron narratif qu'est le texte de Flaubert et y "voir" la structure d'un sonnet !
**** Mais qui sait ?
 

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